TRADITION : ‘’ Dans son sens absolu, la tradition est une mémoire et un projet, en un mot, une conscience collective : le souvenir de ce qui a été, avec le devoir de le transmettre et de l'enrichir.’’
Ainsi, une école traditionnelle est une école qui transmet un ensemble d’idées, de connaissances et de principes ancrés solidement depuis plusieurs générations. Ces principes se transmettent par des Maîtres grâce à des méthodes d’entraînement qui ont été testées et validées au travers le temps. Un Maître est donc une personne qui maîtrise les principes de son art et qui est capable de les transmettre. Ce qui fait toute la beauté et toute la richesse des arts martiaux traditionnels, est que chaque Maître possède sa propre compréhension et sa propre vision des principes de son art. Je crois qu’un bon Maître est celui qui expose sa vision des principes, alors qu’un moins bon Maître est quelqu’un qui l’impose. La nuance est importante puisque chaque étudiant qui s’en donnera la peine, aura sa propre compréhension des mêmes principes, c’est-à-dire : son propre savoir-faire qu’il pourra transmettre à son tour. Cela explique la présence d’une multitude de styles, de branches et d’interprétations différentes que l’on retrouve dans les arts martiaux chinois.
Comment les méthodes anciennes peuvent-elles restées pertinentes aujourd’hui ? Depuis le formidable essor des arts martiaux mixtes, plusieurs personnes ont critiqué les arts martiaux traditionnels. On leur reproche d’être inefficaces, inadaptés ou carrément déconnectés avec la réalité d’aujourd’hui. Je dois admettre que dans de nombreux cas, les critiques sont justifiées. Certaines écoles semblent plus intéressées par le culte du Maître, les histoires mystiques et les chicanes de lignées. Comme si cela pouvait leur redonner une certaine légitimité. Mais ces dernières écoles sont agonisantes. Pour rester pertinentes et efficaces, je crois que les écoles traditionnelles d’arts martiaux doivent intégrer cinq principes fondamentaux qui sont l’imitation, le conditionnement, l’application, l’adaptation et l’évolution.
Imitation L’imitation se veut la méthode de transmission des principes dans les arts martiaux traditionnels. L’étudiant doit copier les postures, les mouvements et les techniques propres au style qu’il apprend. Cela se fait en pratiquant les différents exercices proposés par les instructeurs et en apprenant les formes (ou katas). L’étudiant doit prendre le temps nécessaire pour s’approprié les mouvements afin qu’ils deviennent ses mouvements.
Conditionnement Le conditionnement du corps physique est trop souvent négligé. On voit souvent des Maîtres encore dans la fleur de l’âge qui souffrent d’embonpoint. Dans les arts martiaux, notre corps constitue notre outil de travail. Il faut donc faire le nécessaire pour que cet outil soit le plus solide, le plus performant possible. Conditionnement musculaire, cardio-vasculaire, explosivité, conditionnements des os et des tendons, de même que la circulation énergétique permettent de développer son caractère, sa volonté et bien sûr, sa bonne santé.
Application L’application des techniques doit graduellement prendre une part importante dans l’entraînement. L’entraînement ne pourrait se résumer qu’à l’exécution de mouvements dans le vide. L’application des techniques avec différents partenaires permet au pratiquant de peaufiner le timing, la précision et la force nécessaire à l’efficacité. Le réalisme permet de mieux connaître nos forces et nos faiblesses car ce sont avec ces dernières que nous devrons composer et évoluer.
Adaptation Il n’existe pas de mode d’emploi précis pour chaque personne et pour chaque situation. Je pense que la réussite passe par la découverte de «son identité» en tant que combattant. Au travers la pratique le pratiquant doit adapter sa façon de faire en fonction de son identité, c’est-à-dire, en fonction de ses forces, de ses faiblesses, de ses capacités et de sa personnalité. On dit alors que le pratiquant maîtrise son Kung Fu, son savoir-faire qui est unique.
Évolution Les arts martiaux traditionnels se doivent d’évoluer. Ne serais-ce que pour s’ajuster aux variables de notre époque. Pour évoluer, les Maîtres doivent avoir l’esprit ouvert et tenir compte de ce que les arts martiaux modernes apportent de positif. S’ils ne s’ouvrent pas et restent cloîtrés à l’intérieur des balises de leur style, alors le savoir-faire acquis ne servira que dans un le contexte restreint de leur dojo. Tous les Maîtres qui ont fondé ou transmis les arts martiaux traditionnels ne sont pas partie de rien. Cela ne s’est pas fait en un éclair de génie. Ils sont partie de ce qu’ils connaissaient, de leur savoir-faire et ils ont évolué. Il devrait en être de même pour ceux de notre génération.
En conclusion, cette citation résume bien ma vision d’une école traditionnelle : «La plus haute tâche de la tradition est de rendre au progrès la politesse qu'elle lui doit et de permettre au progrès de surgir de la tradition comme la tradition a surgi du progrès.» Jean d’Ormeson
Sifu Yannick Gravel
Avec la collaboration spéciale de Philippe Lafortune Leroux
https://www.lapresse.ca/societe/sante/2020-06-12/transposer-son-studio-ou-son-gym-dans-le-parc