
Je suis parti en randonnée de kayak il y a quelques semaines sur le fleuve St-Laurent au départ le vent était quand même assez présent mais je me suis dit que comme d’habitude la température se calmerait avec le temps. Il faisait soleil ce jour-là et la température était exceptionnellement belle, la chaleur était au rendez-vous et les nuages étaient présent mais pas trop. Je me suis mis à ramer pour me diriger vers les îles de Boucherville pour profiter de la crue des eaux et pouvoir aller loin dans les terres inondés pour admirer les canards et surtout regarder les castors construire leurs barrages. Le trajet c’est fait sans anicroches bien que le vent ait fortement augmenté depuis mon départ. Je me suis aventuré dans les îles complètement inondées et c’est à ce moment que j’ai réalisé à quel point le vent était fort ; le bruit que faisaient les bourrasques dans les arbres était omniprésent et leurs forces avait quelque chose de plutôt terrifiant. J’étais bien content que ma petite embarcation se soit rendue à bon port sans trop de difficulté. Je ramai pendant un petit moment zigzaguant à travers les herbes pour me frayer un passage plus profondément dans les îles. Je me souviens que la température était chaude et que les bourrasques de vent, à cause des arbres qui m’entouraient, étaient nettement moins fortes que lorsque j’étais entre Montréal et les îles. Je m’aventurai encore plus loin jusqu’à ce que je vois un gros pylône muni d’un petit escalier qui menait à son sommet, pendant un instant une idée me traversa l’esprit : si je pouvais monter en haut j’aurais une vue incroyable pour prendre une superbe photo des îles submergées par les inondations. Mais avec un tel vent l’exercice me sembla dangereux et je me persuadai de poursuivre plutôt vers la partie non inondé des îles histoire de m’aventurer un peu sur le sol pour m’étirer les jambes, prendre une gorgée d’eau et manger une poignée d’arachide.
Le trajet me paru beaucoup plus difficile et je pris beaucoup plus de temps pour me rendre jusqu’à ce deuxième îlot car le vent avait redoublé de force et la protection que me fournissait les arbres avait disparu. Je ramais avec beaucoup de difficulté tant le vent était fort ; les vagues puissantes contrecarrait constamment le peu d’avancé qu’il m’était possible de faire. Finalement je réussi de peine et de misère à me rendre sain et sauf sur la terre ferme. En posant mon kayak sur le rivage je regardai le fleuve : les vagues étaient de plus en plus fortes et le vent balayait la cime des arbres sans ménagement. Le ciel commença à s’assombrir de plus en plus il devait être environ 15h de l’après-midi et j’eu peur d’être pris dans un orage. Je marchai sur le sol et vidai mon kayak car beaucoup d’eau avait réussi à rentrer dans mon embarcation, je bu une gorgée et me mis à marcher tranquillement pour essayer de me changer les idées car la température commençait sérieusement à m’inquiéter ; les bourrasques n’allaient qu’en s’intensifiant et les vagues s’échouaient avec fureur sur la rive. Je retournai sur mes pas et entrepris de repartir. Une partie en moi me criait que ce n’était pas une bonne idée, que le vent était à son plus fort et que même si la pluie commençait à tomber ce serait bien moins pire que d’être pris sur le fleuve avec tout ce vent. Mais mon égo pris le dessus et je me rappelai que j’avais souvent effectué le même trajet dans des conditions similaires, que c’était presque impossible qu’il m’arrive quoique ce soit bref, j’en avais vu des pires. Le cœur battant à tout rompre je rentrai dans mon kayak et entrepris mon périple vers les îles inondées. Le chemin se fit difficilement et je luttai avec force pour faire avancer ma petite embarcation mais je réussi à me mettre à l’abri des arbres. Encore-là j’entendis une petite voix dans ma tête qui me supplia de rester ou j’étais, de ne pas traverser mais je m’obstinai et continuai sans même penser à vider mon kayak. Je me souviens avoir reçu une vague de pleins fouets juste avant de m’aventurer hors de la protection des arbres. À ce moment j’aurais du comprendre que les éléments étaient bien trop inhospitaliers pour moi et mon kayak mais je m’entêtai et continuai sur ma lancée. Les vagues me brassaient comme si je n’étais qu’une feuille morte prise dans le vent, j’essayais de pagayer vers ma gauche contre le vent car je savais qu’il était primordial de garder ma direction et de ne pas voguer vers le port car le courant était tellement fort, à cet endroit, qu’il m’aurait été impossible de revenir vers la berge. Mais à contre courant et avec les vagues qui s’intensifiaient, mon kayak commença, petit à petit, à se remplir d’eau. Je continuai néanmoins en augmentant la cadence pour pouvoir franchir le fleuve le plus vite possible mais en mon fort intérieur, la panique s’intensifia de plus en plus mais je réussi à garder mon calme. C’est au milieu du fleuve que les vagues eurent raison de moi et mon kayak coula d’un coup, la musique que j’avais aux oreilles s’arrêta tout d’un coup. Tout mon corps était maintenant dans l’eau ! J’essayai tant bien que mal de redresser mon kayak mais ce fut un échec et après quelques essais infructueux je me vis dans l’obligation d’abandonner mon embarcation qui parti avec le courant. Dans l’eau la panique me pris pendant quelques secondes mais je repris mes esprits avec une vitesse fulgurante et je me mis à nager sur le dos car j’étais plus à l’aise dans cette position. Je nageai pendant plusieurs minutes sans vraiment me poser de questions et en criant des à l’aide sachant bien que malheureusement personne ne risquait de m’entendre. Après une trentaine de minutes le froid que j’avais à peine ressenti jusque là commença à s’attaquer au bas de mon corps et l’eau me rentrait de plus en plus dans la bouche. C’est à ce moment que je pensai qu’il y avait de grosses chances que je ne m’en sorte pas je ressenti une sorte d’amertume je pensai en une fraction de seconde à plein de choses que je n’aurais plus la chance de faire si je mourrais et là je me mis à pensée à mon cours de kung fu du jeudi que je manquerais. Je revoyais mes instructeurs qui m’avaient souvent prouvé que lorsqu’on pense qu’on a tout donné il y a toujours moyen de se dépasser de faire plus. Comme je mentionnais plus haut toutes ces pensées se sont immiscées en une fraction de seconde mais elles m’ont permis de continuer à avancer. Je repris la nage mon cerveau analysa rapidement les options qui se dessinaient devant moi. Tout à coup j’aperçu une bouée verte qui voguait pas trop loin d’où je nageais je savais qu’elle était assez spacieuse et qu’elle me permettrait d’être à l’abri si jamais je réussissais à l’atteindre. Je me mis à nager et me mis à respirer comme on nous l’apprend dans les cours de kung fu histoire de reprendre mon calme. Je pris de grandes respirations lentes et j’inspirais de la même façon pour clarifier mes esprits et reprendre mon souffle car ca faisait près de trente minutes que je nageais et mon énergie commençait à disparaître. J’atteignis la bouée de plein fouet et j’agrippai ma main à un petit trou qui devait servir à passer de la corde pour accrocher l’ancrage. J’enroulai mon corps autour de mon embarcation de fortune et c’est à ce moment que je ressenti une fatigue extrême dans tout mes muscles. Je repris mes forces pendant quelques secondes et levai ma tête vers le haut de la bouée : je vu une petite barre de métal assez grande qui me permettrait de me hisser sur la bouée. Avec effort j’agrippai avec ma main droite la petite paroi et je me hissai sur le dessus de la bouée. J’étais finalement en sécurité, je reçu une brise d’air chaud que mon corps accueilli avec plaisir. Je restai environ une heure et demie sur ma bouée plusieurs bateaux passèrent près de moi sans me voir même si je m’époumonais à crier à l’aide. Ma voix diminuait de plus en plus et mes bras n’en pouvait plus de se faire aller de droite à gauche pour attirer l’attention des bateaux. Après un bon moment sans secours je commençai à croire que personne ne me verrais et la panique revint. Je regardai l’eau et me dis que si personne ne venait je serrai bien obligé de me jeter dans l’eau et de nager en espérant retrouver la rive. Je me mis à respirer comme lorsqu’on médite dans les cours pour me calmer et après plusieurs respirations je me rendit compte de la stupidité de l’idée.
Pendant le temps ou j’étais sur ma bouée, entre les appels à l’aide, je me rendit compte de l’importance qu’avait joué le kung fu tout au long de ma mésaventure, je remerciai les fois ou Khay nous avait fait tenir trente secondes de plus pour faire la planche, les conditionnements physiques difficiles que Phil, Yannick et les autres instructeurs nous faisaient vivres cours après cours pour endurcirent notre physique et surtout notre force mentale. Tout ça avait joué de façon inconsciente lorsque je m’étais retrouvé tout seul face à moi-même perdu dans l’immensité glaciale du fleuve. J’avais acquis une force qui m’avait permis de survivre et de tolérer les épreuves que j’avais du endurer ce jour-là. Sans la multitude de push up qu’on nous avait fait faire pendant les cours je ne sais pas si j’aurais pu avoir la force physique pour me hisser sur la bouée salvatrice. Sans le cavalier, la course et les lunges, exercices qui me font souffrir à chaque coup, je ne sais pas si mes jambes auraient eu la force de me permettre de nager pendant près de trente minutes sans arrêt.
Finalement, sur la rive qui donnait sur Montréal je vis des phares de police, puis un camion de pompier et une ambulance. J’attendis un bon moment qu’on vienne me secourir mais aucun bateau ne vint. On me dit plus tard que j’avais crié tellement fort que des gens sur le rivage m’avaient entendu et qu’ils avaient appelé la police. Pendant un temps qui me paru une éternité je criai à l’aide puis je vu un bateau de marchandise passer. Quand il vogua devant moi je vu que dans la cabine du capitaine quelqu’un était sorti. Je fis plusieurs signes avec mes bras et l’homme m’en fit également il rentra dans sa cabine et peu de temps après un petit bateau de la garde côtière venait me chercher. En rentrant dans l’embarcation je senti tout mes muscles me faire atrocement mal et je compris que l’adrénaline qui m’avais accompagné tout le long de ma mésaventure venait de me quitter : enfin on m’avait secouru ! Je n’avais jamais été aussi content de voir d’autres personnes de ma vie. On vit dans un monde souvent bien individualiste ou on a souvent l’impression que les gens sont plus là pour nous embêter que pour nous aider mais après avoir vécu ma petite aventure je me rends bien compte que l’humain ne peut pas vivre sans les autres, que la société permet aux individus de s’entraider dans les moments difficiles et de se sortir de bien des pétrins.
Pour en revenir au lien entre mon expérience et les arts martiaux j’ajouterai que lorsqu’on pense à ce genre d’activité souvent on ne pense qu’aux fins pratiques : en faisant du kung fu je pourrai me défendre dans la rue si je suis attaqué, si je fais ce sports de perdrai du poids, gonflé mes muscles etc. Mais avec cet évènement j’ai compris à quel point cette discipline m’a apporté bien plus que tout ca, en faisant des arts martiaux je me suis bâti un esprit de guerrier, un tempérament où lâcher n’est pas une option et où tout est possible si on a foi en soi et si on continu à ne pas baisser le bras et à toujours persévérer. Le jeudi suivant je suis allé au cours de kung fu et je n’ai jamais autant apprécié ma séance que ce jour-là.
Shany Bonin Tawil
https://www.lapresse.ca/societe/sante/2020-06-12/transposer-son-studio-ou-son-gym-dans-le-parc